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Le 23 mars
Au nom de toutes les femmes | |||
BRUXELLES
Première femme à avoir présenté le JT de 20 heures à une époque où la
télé était encore essentiellement masculine, Christine Ockrent sait
sans doute mieux que quiconque à quel point il y a encore du chemin à
faire pour que la femme soit réellement l'égale de l'homme. Elle vient
ainsi de sortir, chez XO Editions, Le livre noir de la condition des femmes,
une somme de plus de 750 pages où, sous sa direction, une quarantaine
d'experts se sont penchés sur tout ce qui ne va pas pour les femmes
dans le monde. Un livre souvent édifiant. Vous écrivez «Les femmes sont leur propre espoir, elles ne peuvent compter que sur elles pour changer la société.» C'est dur pour les hommes... «C'est
dur, c'est vrai, mais c'est en gros ce qui s'est passé dans nos pays
durant le siècle dernier. Ce sont les femmes qui ont mené le combat
pour les droits civils, le droit de vote et ensuite l'interruption
volontaire de grossesse. Maintenant, la formule que j'emploie est
peut-être un peu provocatrice. Il y a heureusement des hommes qui se
battent aussi pour le sort des femmes. On fait d'ailleurs le portrait
de certains dans le livre.» Pourquoi sortir ce livre maintenant? «Ce
n'est pas parce que ça va plus mal. Dans certaines parties du monde,
comme chez nous, ça va même nettement mieux. Mais on a aujourd'hui les
outils qui permettent d'analyser la situation dans les pays les plus
pauvres et les régions où les coutumes sont les plus retardataires pour
les femmes. Avant, on ne disposait pas de ces outils.» Quelles sont les situations que vous jugez les plus intolérables? «Il
y a l'excision, qui est encore pratiquée jusque dans nos pays, même si
elle y est interdite. Il y a aussi les crimes d'honneur dont les femmes
sont victimes quand leur frère ou leur clan considère qu'elles ont
déshonoré la famille. Je pourrais aussi citer la lapidation en Iran. Ce
qui est intéressant, c'est que, peu importe les sociétés, les problèmes
sont toujours les mêmes. C'est le degré de gravité qui change. Regardez
en Belgique: il a fallu attendre ces dernières années pour avoir une
loi de tolérance zéro en matière de violences conjugales.» Les religions sont un facteur d'oppression de la femme? «Oui
et elles l'ont été aussi dans nos pays. On a tendance à oublier qu'il a
fallu des siècles pour se libérer des oppressions de l'église
catholique. Les grandes religions monothéistes ont été conçues pour
enfermer la sexualité de la femme et pour l'asservir à la règle de
l'homme. Dans une religion comme l'Islam, qui est pratiquée de façon
paisible par une grande majorité de musulmans, mais qui est aussi en
proie à des courants intégristes, on voit que ce sont les femmes qui
sont les premières touchées.» Pour vous, l'Islam est la religion la plus rétrograde envers les femmes? «Je
n'emploierais pas cet adjectif. Tous les intégrismes, dans toutes les
religions, maintiennent les femmes dans un état d'être mineur et impur.
Simplement, il y a plus d'intégrisme à l'heure actuelle dans l'Islam
que dans d'autres religions. Même s'il y a aussi les chrétiens
fondamentalistes aux Etats-Unis, qui luttent de toutes leurs forces
contre le préservatif et l'IVG.» Être la première présentatrice du 20h, c'était une avancée historique? «C'est
clair qu'il y avait un côté symbolique. J'espère avoir contribué à
accélérer les choses. Les années 80 ont été des années où beaucoup de
professions ont commencé à se féminiser. Même s'il y a toujours trop
peu de femmes à des postes clefs.» On
est à un an des élections françaises. Ségolène Royal pourrait devenir
la première femme présidente en France. Ça vous inspire quoi? «Ce
qui est bien, c'est qu'on ne considère pas qu'elle puisse être moins
compétente parce qu'elle est une femme. La question de la légitimité se
pose moins et ça c'est un progrès.» |