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Le 20 mars
La Grande-Bretagne en campagne contre les mariages forcés
La
Grande-Bretagne vient de lancer une vaste campagne contre les mariages
forcés, un drame qui chaque année ruine les vies de centaines de
fillettes, d’adolescentes et de jeunes femmes dans ce pays.
Ces
mariages, pour lesquels la victime est souvent renvoyée dans son pays
d’origine, aboutissent parfois à son suicide, voire au «crime
d’honneur», c’est-à-dire l’assassinat de la victime par les siens ou
l’époux qu’on lui a choisi parce qu’elle refuse la situation.
Soucieux
de prévention, le gouvernement britannique a financé des messages
diffusés à la fois dans les journaux, à la radio, la télévision et sur
des panneaux publicitaires dont le slogan proclame «Vous avez le droit
de choisir».
Selon les statistiques de l’Unité sur les mariages
forcés (FMU) créée en 2000 par le ministère de l’Intérieur, environ 250
de ces mariages sont signalés en moyenne chaque année. Mais les
chiffres réels seraient bien plus importants.
Les premières
communautés touchées sont celles originaires du sous-continent indien:
l’Inde, le Pakistan, le Bangladesh et le Sri Lanka.
Mais le mariage
forcé «n’est pas un problème affectant seulement la communauté d’Asie»,
a déclaré la secrétaire d’État à l’Intérieur Patricia Scotland, en
lançant la campagne le 16 mars: «Nous avons également recensé des
victimes originaires du Proche-Orient, des Balkans et d’Afrique»,
a-t-elle insisté, dénonçant cette «forme de violence domestique et de
violation des droits humains».
Jasvinder Sanghera a failli en être
victime. Après avoir fui un mariage programmé, elle a fondé à Derbu
(centre de l’Angleterre) le refuge Karma Nirvana. Les deux tiers des
appels proviennent de jeunes filles confrontées au mariage forcé. «Les
jeunes filles d’origine asiatique s’automutilent et se suicident à une
fréquence double ou triple de la moyenne nationale», s’alarme-t-elle.
Elle pointe la « forte préférence » des familles pour les époux choisis
à l’étranger, et insiste sur la nécessité d’informer les enfants à
l’école, avant l’âge des premières pressions familiales.
Mme
Sanghera avait 14 ans quand on lui a montré la photo de l’homme qu’elle
devait épouser. «Ma famille, raconte-t-elle à l’AFP, m’a dit “Marie-toi
avec lui ou tu seras morte à nos yeux”. Ils me prenaient ma liberté.
J’ai souffert d’une agression physique et émotionnelle, je me suis
sauvée.» Ensuite, poursuit-elle, «on se sent coupable, déprimée et très
isolée. On perd sa famille du jour au lendemain, on est la victime que
l’on fait passer pour la coupable».
Shipa avait, elle, été embarquée
de force dans un avion pour le Bangladesh à 18 ans. Désespérée, elle a
fait passer à une hôtesse un message griffonné sur un mouchoir en
papier. Le message est parvenu à son ami, Sufian Miah, depuis devenu
son mari. Il a, raconte-t-il à l’AFP, remué ciel et terre pour la
retrouver et la libérer, allant jusqu’à saisir la justice au Bangladesh.
Actrice
britannique d’origine asiatique très connue en Grande-Bretagne, Meera
Syal a apporté son soutien à cette campagne contre les mariages forcés.
Elle insiste sur la «différence énorme entre mariages arrangés et
mariages forcés».
Selon les chiffres de la FMU, 85% des victimes
sont de sexe féminin, la plus jeune recensée étant une fillette de 11
ans. En cinq ans, l’action de l’Unité a permis quelque 75 rapatriements.
Londres
s’est opposé jusqu’à présent à la création d’un délit précis visant les
mariages forcés. Pour «ne rien faire qui rendrait les choses plus
difficiles pour les victimes», a expliqué la baronne Scotland.